Suite à de nombreuses interrogations émanant de personnes souhaitant valoriser leur terrain par une activité d’élevage ovin en parallèle de leur travail ou de leur retraite, nous mettons en ligne aujourd’hui cette rapide étude de rentabilité pour évaluer la marge minimum espérée en s’improvisant éleveur d’une petite troupe de brebis de race Charmoise. Cette modélisation aboutit à un calcul de marge brute par la différence entre les produits escomptés et les charges opérationnelles (directement liées à l’entretien des animaux et des terres). Chaque cas étant unique (terrain à acquérir ou déjà financé, matériels à disposition …), chacun raisonnera ensuite les investissements à réaliser avec la marge brute dégagée.
 
 
Pourquoi s'orienter vers une race rustique ... et pourquoi la Charmoise ?
 
 
La Charmoise est une race rustique qui se prête bien à l’entretien de terrain par des animaux peu coûteux à élever, qui nécessitent peu d’intervention (en particulier à l’agnelage) et qui valorisent très bien des prairies naturelles même en conditions difficiles (sécheresse, terres de brandes, …).
 
Par ailleurs, c’est aussi une race bouchère (de petit gabarit mais de conformation très rebondie) qui produit des agneaux bien mieux conformés que n’importe quelle autre race rustique, qui permet ainsi de mieux valoriser les agneaux à la vente.
 
C’est une race faite pour être élevée à l’herbe. Les agneaux destinés à la boucherie ne doivent pas recevoir une alimentation trop énergétique sous peine de produire des carcasses rapidement grasses et trop petites.  Les agneaux peuvent être produits à l’herbe, avec une complémentation rationnée peu énergétique … et avec le temps (la viande n’en sera que meilleure). Contrairement aux agneaux d’autres races bouchères, les agneaux de race Charmoise peuvent « patienter » tranquillement à l’herbe puis être « finis » à l’herbe si celle-ci est de qualité suffisante lors de la repousse, ou complémentés si nécessaire (aliment basse énergie rationné) : c’est le principe de l’agneau de report.
 
Le système idéal en double-activité est de mettre en lutte ses brebis fin sept/début octobre pour un agnelage de printemps (février-mars-avril) pour que les brebis juste agnelées bénéficient de la pousse de l’herbe lors de leur pic de lactation, et que les agneaux nouveaux-nés puissent être sortis la journée et rentrés la nuit dès que possible. Ainsi, ils s’habitueront à l’herbe très tôt et éviteront les problèmes de microbisme inhérents  à toute bergerie.
 
Les agneaux naissent  peu lainés. Il est donc primordial de les faire naître en bergerie (ou de les y ramener rapidement) lorsque les températures sont trop basses. En bergerie, une case libre-accès pour les agneaux  avec lampe chauffante leur permettra de se réchauffer les nuits pendant leur premier mois de vie. Par ailleurs, ils peuvent sortir les journées  avec leurs mères pour que celles-ci puissent brouter l’herbe nécessaire à leur lactation.
 
La race Charmoise ne fait pas partie des races prolifiques mais c’est une race très maternelle. Les races prolifiques nécessitent beaucoup plus d’interventions à l’agnelage (aide plus ou moins nécessaire, passage obligatoire de la brebis et de ses agneaux en case) ou par une complémentation des nouveaux-nés au biberon. Ainsi, la brebis Charmoise peut faire naître plus d’1 agneau (1,2 de prolificité) mais nous nous baserons sur 1 agneau/brebis/an pour une conduite simplifiée au maximum. Après quelques temps, l’éleveur expérimenté à la recherche de performances accrues peut désaisonner ses brebis (mise en lutte en contre-saison)  pour  viser 3 agnelages en 2 ans et récupérer ainsi un plus grand nombre d’agneaux.

Simulation pour 75 brebis de race Charmoise sur 15 ha de prairies...
 
Troupeau :       75 brebis + 3 béliers
 
Chargement :    5 brebis/ha toute l’année sauf au printemps.
                         10 brebis/ha au printemps car seule la moitié des terres est
                          réservée au pâturage du troupeau (8 ha pour le foin).
 
Foin :                effectué sur 8 ha.
                         S'il est effectué par une entreprise ou un voisin équipé, la moitié
                         de la production sera donnée pour payer la façon.
                         → restent 4 ha de foin pour soi × 3 T foin/ha = 12 T foin.
                         Si matériel à disposition  → 12 T de foin conservé
                                                                       + 12 T de foin vendu.
 
Produits :      1 agneau/brebis/an → 75 agneaux produits, ½ mâles et ½ femelles.
                         Mortalité : 10% → 68 agneaux sevrés.
                        15 femelles conservées pour le renouvellement.
                         53 agneaux vendus à la boucherie 100 € → 5300 €.
                        10 brebis de réformes (si 5 mortes) vendues 50 € → 500 €.
 
Primes :           Déclaration PAC à faire en janvier auprès de la DDT.
                         21 € / brebis.
                         75 brebis → 75 × 21 = 1575 €.
 
Laine :              La production (1,20 €/kg) paye la tonte (1,60 €/brebis).
 
Alimentation :  Brebis à l’herbe toute l’année.
                         Distribution de foin l’hiver en bergerie si conditions difficiles.
                         Complémentation au foin, le soir en bergerie, des brebis agnelées
                         sorties la journée à l’herbe + complémentation aux granulés ou
                         mélange de céréales pendant 1 mois après agnelage.
                         Agneaux à l’herbe complémentés au nourrisseur ou rationné
                         jusqu’au sevrage.
                         Engraissement des agneaux sur prairies après fauche + concentré
                         basse énergie.
                         Compter 60 kg concentré/couple (brebis + agneau) par an
                          → 60 kg/brebis × 75 brebis × 0,3 €/kg = 1350 €
 
Vétérinaire :    Compter 10 € /brebis/ an → 10 €/brebis × 75 brebis = 750 €
                         Déparasitages nécessaires (1 fois/an pour les brebis/béliers), 3
                         fois pour les agneaux.
                         Pédiluve à installer pour éviter les problèmes de boiterie.
 
Fourrage :       Système extensif avec une faible consommation d’engrais.
                         200 kg/ha d’engrais complet épandus sur les 8 ha de prairies
                         destinées à la fauche → 200 kg/ha × 8 ha × 0,4 €/kg = 640 €
 
Paille :             10 bottes soit 2 T de paille pour la litière de la bergerie.
                          2 T × 100 €/T = 200 €
 
Identification :  Elevage à déclarer auprès de l’EDE/GDS → numéro de cheptel
                          attribué.
                      → 50 €/an forfait cotisation sanitaire et identification + 60 € boucles
                          = 110 €
 
 
Récapitulatif des produits/charges opérationnelles :
 
 
Charges :
Coût :
Produits :
Recettes :
Alimentation
1350 €
Agneaux boucherie
5300 €
Vétérinaire
750 €
Brebis réforme
500 €
Fourrage
640 €
Primes ovines
1575 €
Paille
200 €
 
 
Identification
110 €
 
 
Total :
3050 €
Total :
7375 €
 
 
Marge brute :
4325 €
 
 
Ne sont pas comptabilisés les produits liés aux DPU des terres. Ils accroîtront la rentabilité de cette activité.
 
La marge brute obtenue permettrait ainsi de couvrir les charges de structure (eau, électricité, petit matériel d'élevage, MSA,...)  ainsi que les annuités des prêts liés à l’achat du troupeau, éventuellement l’achat des terres , l’installation d’un tunnel d’élevage (bergerie) et/ou de matériels. A ce niveau, chacun évaluera son seuil de rentabilité en fonction des investissements à réaliser car les situations initiales sont très variables (terres déjà financées, terrains clôturés, matériels présents,bergerie disponible).
 
Cette étude de rentabilité n’est qu’indicative. Elle est basée sur une hypothèse basse de production d’herbe (à réajuster en fonction de la qualité des terres) et des objectifs de production réalisables et accessibles aux éleveurs peu expérimentés. Avec un peu d’expérience et de persévérance, ces résultats ne pourront que s’améliorer.